Quand on fanstasme la campagne

Je suis tombé sur le dernier numéro d'Art & Décoration consacré aux maisons de campagne. Les articles multiplient les exemples de rénovations "réussies" de maisons alliant "caractère et modernité". Et pourtant, je ne sais pas si vous avez vous aussi ce genre d'impression à la lecture de ces journaux : ça sonne faux.

Les maisons sont formellement "belles" mais on n'a pas envie de s'y installer. Pas de poussière, pas d'objet personnel qui traîne, des objets anciens sans charme. Parlons en de ces objets chinés dans de "charmantes brocantes". On les voit repris, retravaillés, poncés, peints, traités, pasteurisés, neutralisés et finalement anéantis. Le poids des ans et des souvenirs effacé, seul reste une carcasse "jolie" mais désenchantée. Le tout est mis en scène comme il se doit de manière élégante et légère pour créer un "espace à vivre" ressemblant plus à un hall d'hôtel qu'à une maison de famille. De toutes façons on ne voit jamais de photos, de portraits ou de petits objets rappelant une fête de famille ou ravivant le souvenir de la grand-mère ou de l'oncle disparu. Quant au square jardin, toute trace d'imprévu sous forme de mauvaises herbes a été gommé de manière définitive. Dans ce décor désèché de maison de poupée, on a l'impression que l'homme est de trop.

Voici donc la campagne revue et corrigée, recréée de toutes pièces en fonction d'un monde fastamé mais qui n'existe pas et qui surtout n'a jamais existé. Principe de plaisir contre principe de réalité. Après avoir aménagé la maison on pétitionnera contre le coq qui chante ou contre l'odeur des vaches au loin. Et la Vie aura alors définitivement disparue.